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12 décembre 2020 6 12 /12 /décembre /2020 10:13

 

Le lecteur trouvera ci-après le début du deuxième chapitre de La Chair du monde, extrait qui concerne plus particulièrement le Romantisme en tant que mouvement littéraire et philosophique inscrit dans l'histoire des 18 et 19ème siècles.

C'est ainsi le premier mouvement à se soucier explicitement de la question du lien (qui fait l'objet de mon livre), et qui s'efforce de retrouver la source vitale originaire, ou de "rejoindre la vie", comme le dit F. Schlegel.

 

 

"Le premier mouvement important qui illustre pleinement la résistance à l’omni puissance d’un tout rationnel et mécaniste est sans doute le Romantisme.[i] En effet, à cet égard il est historiquement le premier à se constituer comme un corps de doctrine, bien qu’on ait pu déceler des prémisses de cette pensée donnant la priorité à la sensibilité dans le piétisme aux 16ème et 17ème siècles, chez Fénelon ou même chez Rousseau – notamment dans La Nouvelle Héloïse.

Certes, en tant que qu’attitude face à la prose de la quotidienneté ordinaire et révolte vis-à-vis des valeurs bourgeoises, le romantisme est de toutes les époques. Il serait par exemple difficile de contester la dimension romantique de Mai 68 – même si ce n’est pas, bien sûr, la seule composante de ce mouvement. Cependant, le Romantisme dont il est question ici est à la fois une philosophie et une esthétique qui s’inscrit dans un moment particulier de l’histoire des idées, de l’art et de la littérature.

Ce mouvement se caractérise par une certaine ambivalence. La nostalgie d’un âge d’or, d’une unité originaire perdue, est très marquée chez ces différents poètes et philosophes ; et en même temps, leur quête vaut comme la promesse mystique d’une restauration de cet âge d’or. Leurs préoccupations furent pour les profondeurs du passé originel susceptible de restaurer le lien organique qui cimente le social ; d’où leur intérêt pour un Moyen-âge idéalisé, pour les contes, les légendes, ou encore pour un ailleurs - une Inde mythique, par exemple, qui serait le véritable berceau de l’humanité. Mais toute leur énergie se tourne aussi vers l’avenir, elle s’attache à cette trouée divine qui doit un jour résorber dans la lumière le cours temporel du temps. Hâter la grande réconciliation de l’homme dans l’harmonie future fut la vocation de la plupart de ces poètes et philosophes.

Le Romantisme oscille entre lumière et ténèbres. Son horizon est lumineux, mais cette lumière procède de la nuit, un peu comme cette nuit lumineuse des mystiques telle qu’on la trouve dans l’itinéraire spirituel d’un Saint Jean de la Croix. Comme le mystique, le Romantique passe par une épreuve, une conversion dans laquelle s’abolit sa vision diurne au profit de l’œil de l’esprit, qui est, lui, à la source d’une véritable connaissance. La part des ténèbres est l’une des composantes du Romantisme, qu’il s’agisse de cette dimension initiatique grâce à laquelle un Novalis va pouvoir « romantiser le monde », ou encore de cette mélancolie qui touche bien des poètes..."

 

[i] J’appelle « Romantisme » avec une majuscule le mouvement historique, essentiellement allemand et français, des 17ème au 19ème siècles. Le terme est une appellation a posteriori réunissant un ensemble de poètes, d’artistes et de philosophes parfois très différents. Pour les sources allemandes, j’ai une dette particulière envers Albert Béguin (1949 et 1991). Je n’oublie pas les britanniques qui seront rapidement évoqués dans le chapitre 6 comme une source du transcendantalisme américain.

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commentaires

G
merci pour nous accompagner si bien dans cette si longue période d'isolement et de privations vos textes sont notre nourriture et 'j'espère trouver votre ouvrage " penser la violence"
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F
Merci chère Madame, j espère que la prochaine intervention à Lisieux pourra se faire en présentiel. Le livre concernant la violence peut se trouver sur le net. Mais il vaut peut-être mieux attendre le prochain. Bien à vous

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TRANSMETTRE

La transmission de la philosophie et de l'esthétique est une chose difficile qui requiert la concentration de l'étudiant. Elle ne relève donc pas d'un discours démagogique ou sophistique dont la popularité médiatique n'a souvent d'égal que la pauvreté conceptuelle. Inversement, à l'attention des profanes, il ne peut s'agir non plus de procéder selon un discours élitiste, du type normalien. En ce qui me concerne, je dirais que mon but et ma profession de foi, que ce soit dans mes conférences, mes ateliers ou sur ce blog, c'est de tendre à rendre accessibles ces choses difficiles avec un minimum de déperdition conceptuelle.

 

 

 

Recherche

Penser la violence ; l'oeuvre de Girard

Paru en Mars 2018 chez HDiffusion, Penser la violence de Pascal Coulon. 20 euro dans toutes les "bonnes librairies"

 

 

La violence a fait au cours des deux derniers siècles l'objet d'une pléthore de recherches dans bien des domaines, et nombreux sont les livres qui ont traité de la question en lui apportant des réponses fécondes. Bien peu cependant l'ont abordée dans sa dimension génétique essentielle de violence fondatrice. Et, pour cause ! Penser que toutes les communautés humaines et l'ensemble des processus civilisateurs, avec leurs rites, leurs cultures, etc., trouvent leurs origines dans une violence radicale qui en constitue la fondation ne va pas de soi ! De ce point de vue, Freud semble bien avoir la paternité de l'idée fondamentale d'un meurtre initial, paradoxalement à la source de la civilisation, de la morale et de la religion. Mais ne s'agit-il pas d'un mythe ? La question de la violence ne requiert-elle pas plutôt une méthode indiciaire, s'appuyant sur des recherches et un matériau anthropologiques ? L'oeuvre de René Girard tend dans un effort continu, magistral et souvent solitaire à remonter contre vents et marées aux sources d'une violence à la fois effective, revenant périodiquement, fondatrice et génétique. Sans omettre les failles de la doctrine, l'auteur met clairement en évidence l'articulation des théories girardiennes, désir mimétique, victime émissaire, méconnaissance, et nous en découvre la fécondité pour penser notre époque. (4ème de couverture)

Pages

LES GROUPES D'ENTRAIDE

Pascal Coulon, LES GROUPES D'ENTRAIDE

Une thérapie contemporaine

Psycho-Logiques
 

De nombreuses personnes trouvent dans les groupes d'entraide des ressources pour lutter contre leurs souffrances, se reconstruire psychologiquement et recréer du lien social. Quel est le véritable potentiel de ces groupes ? Quelles sont les origines de ces fraternités ? Quelles sont leurs valeurs ? Comment expliquer leur relative confidentialité et les résistances que ces groupes rencontrent en France ? Cet ouvrage met en lumière les polémiques qui opposent vainement la psychanalyse aux autres thérapeutiques de groupe face aux sujets addictés.


L'Harmattan, 22,50 euro
ISBN : 978-2-296-10844-8 • février 2010 • 226 pages

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