Le 9 mars 2023 est paru dans toutes les bonnes librairies mon dernier ouvrage chez Hermann Diffusion (HD), Scènes primordiales de la philosophie ; de la caverne de Platon au visage chez Levinas.
Ce petit livre pédagogique dont les chapitres correspondent à des cours et conférences dans différentes universités populaires a pour vocation de rendre accessibles tout en en régénérant le sens quelques morceaux d'anthologie philosophiques.
Je publie ici la courte introduction de ce livre afin de fournir quelques précisions sur le contenu à d'éventuels lecteurs.
Qui d’entre nous, s’intéressant un tant soit peu à la philosophie, n’a entendu parler de l’allégorie de la caverne de Platon, du pari de Pascal, du « je pense donc je suis » de Descartes, ou encore de la dialectique hégélienne du maître et du serviteur ?
De telles séquences philosophiques, de tels réseaux conceptuels, ont acquis une puissance telle qu’elles sont devenues des figures mythiques et des repères essentiels conférant une plus forte intelligibilité au monde.
Mais que savons-nous réellement de ces figures au-delà de la connaissance vague ou du ouï-dire ? Ces scènes primordiales sont bien souvent plus célèbres que connues, et nous n’avons pas nécessairement conscience de leur fécondité en termes de rapport à soi-même, aux autres et au monde. Foucault avait bien vu que les concepts philosophiques risquaient toujours de se transformer en slogans, et de perdre ainsi de leur richesse originaire, de leur substance, au profit d’un usage quelque peu dévitalisé et superficiel. Plus simplement, « l’honnête homme » et de nombreuses personnes intéressées par la philosophie n’ont plus que de vagues souvenirs, ou des connaissances partielles, de ces figures - lesquelles ont pourtant une importance non négligeable dès lors que l’on veut s’intéresser réellement à la chose philosophique.
Ce livre s’adresse à l’honnête homme du 21ème siècle, curieux, intéressé par la philosophie, mais non spécialiste. Fondamentalement, cet ouvrage prétend trouver un équilibre consistant à rendre accessibles ces choses parfois difficiles pour des profanes, sans pour autant en rabattre sur l’exigence conceptuelle. C’est dans cet esprit qu’il a aussi pour ambition de fournir un certain nombre de repères permettant de se constituer une culture philosophique commune.
Il s’agira donc de retrouver la puissance originaire de huit de ces scènes primordiales, de les replacer dans leur contexte philosophique et historique, et de montrer à quels problèmes répond la création de ces concepts. Après avoir fait ainsi apparaître leurs conditions d’émergence, nous entrerons dans le détail de ces scènes afin d’en retrouver la subtilité et la vitalité, et nous prendrons la mesure de leur valeur en termes d’avancée philosophique majeure. Nous verrons aussi les critiques et les alternatives conceptuelles qu’elles ont pu susciter. Sans prétendre épuiser l’interprétation de ces séquences conceptuelles, laquelle est infinie, il s’agira cependant de la régénérer afin de montrer en quoi elles ont une valeur éternelle et constituent des outils précieux dont la vitalité est féconde pour mieux comprendre et agir dans le monde contemporain.
Les huit scènes primordiales en question sont, par ordre d’apparition : 1 - l’allégorie de la caverne de Platon ; 2 - l’ego cogito de Descartes ; 3 - le pari de Pascal ; 4 - le moment du pacte social chez les grands contractualistes (Hobbes, Rousseau, Rawls) ; 5 - la dialectique du maître et du serviteur chez Hegel ; 6 - l’existence précède l’essence avec Sartre ; 7 - la horde primitive chez Freud ; 8 - le visage chez Levinas.[1]
Ces figures conceptuelles, ces scènes primordiales, ont été choisies par nos soins de façon arbitraire, indépendamment les unes des autres, presque intuitivement, un peu en fonction de leur célébrité, un peu en fonction de leur puissance. Il va de soi que d’autres concepts auraient pu figurer dans cette liste qui ne prétend à aucune exhaustivité.
A priori tout ceci ressemble donc à un patchwork, une réunion aléatoire d’éléments hétérogènes. A cet égard, le lecteur peut très bien lire les chapitres de ce livre dans l’ordre de son choix. Cependant – et c’est la raison pour laquelle nous avons privilégié une exposition chronologique de ces scènes - il lui apparaîtra progressivement que ces figures se répondent, que chacune d’entre elle s’inscrit dans un réseau de sens plus global qu’elle contribue à construire, et qui constitue l’histoire de la pensée philosophique dans son ensemble.
[1] Par souci d’alléger la lecture du texte les notes de bas de page seront très peu nombreuses, et, en fin de chaque chapitre, le lecteur trouvera une bibliographie minimale comprenant les références absolument essentielles.