Note de l'éditeur, Germina
René Girard
L'impensable violence
Par Pascal Coulon
2012 | 188 p. | 16 € | 978-2-917285-31-2
Parution le 20 juin
2012
Étonnante pensée que
celle de René Girard, caractérisée par un mixte de simplicité et de complexité. Ses concepts, peu nombreux, souvent puisés dans le langage commun (bouc émissaire, lynchage, contagion, scandale,
Satan et Jésus, etc.) n’en acquièrent pas moins une puissance opératoire et explicative peu commune, imprégnant l’ensemble de sa production. L’ouvrage présente l’œuvre de René Girard en
articulant trois de ses apports fondamentaux.
1) La théorie du désir mimétique
2) La théorie de la « victime émissaire », ou de la violence fondatrice
3) L’importance du processus de la « méconnaissance », qui est au fondement du processus de la violence fondatrice.
Note de l’auteur, Pascal Coulon
Ce livre a pour ambition de constituer une introduction à la pensée de l’anthropologue René Girard (né en 1924), et je l’ai donc écrit avec l’intention pédagogique de faire apparaître les articulations de ce système et de les rendre accessibles au plus grand nombre.
Il ne s’agit ni d’une apologie de ce penseur étonnant, ni d’un essai critique sur ses positions controversées, mais de faire clairement le point sur les apports de la doctrine et sur ses impasses. La doctrine girardienne ouvre des perspectives très fécondes sur la compréhension de l’homme, de la société, sur la nature de la violence et sur ses différents effets. Plus localement, elle fournit aussi une grille d’intelligibilité très intéressante sur les mécanismes systémiques à l’œuvre dans les phénomènes d’addiction, l’anorexie, la psychose, etc.
Très rapidement, je dirais ici que trois grands axes de cette pensée constituent trois parties du livre : 1 - le désir mimétique : contrairement à nos illusions romantiques et individualistes, nous ne désirons jamais un objet directement, mais toujours de façon triangulaire, c’est-à-dire en fonction du désir d’un modèle que nous imitons. Mais ce modèle risque toujours de devenir à terme un obstacle sur la voie de l’objet, situation qui est source de violence.
2 – La victime émissaire : la violence est exponentielle et se transforme en une crise généralisée qui ne trouve une « solution » que dans le mécanisme de la violence émissaire où une victime innocente la polarise, la canalise sur elle, situation qui, paradoxalement, est à la source de la culture et de la civilisation.
3 - La méconnaissance : le mécanisme fonctionne bien tant qu’il est méconnu des « lyncheurs ». Avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a. La Révélation chrétienne est l’envers de cette méconnaissance, et une révolution historique fondamentale en ce qu’elle révèle l’innocence de la victime, et donc l’injustice du mécanisme. Cette nouvelle donne historique est grosse de toutes sortes de conséquences positives mais aussi redoutablement dangereuses dans divers domaines.
Les théories de René Girard constituent un apport très important de la pensée anthropologique, une véritable réflexion sur l'origine de l'homme et sur la violence qui traverse ces origines. A cet égard, le livre met en scène le dialogue et les controverses entre la théorie girardienne d’une part et respectivement le freudisme et l’anthropologie structurale d’autre part, notamment celle de Lévi Strauss.
Quant à mon investissement personnel, on pourrait s'en étonner compte tenu des thématiques de ce blog. Mais il est lié au fait que la lecture de Girard m'a touché et fasciné à divers égards. Hormis la philosophie proprement dite, l'une des thématiques centrales de ce blog réside dans l'idée de pèlerinage aux sources. Or, la quête passionnée des origines est très touchante, voire naïve, chez cet auteur, même si elle prend des chemins très particuliers, plutôt inatendus et inquiètants parfois. Ils amènent quoi qu'il en soit à des remises en question tout à fait stimulantes.
A ce sujet, voici la fin de l'introduction du livre, inspirée d'une de mes devises favorites, celle d'Antonio Machado : "Caminante no hay camino; el camino se hace al andar", que l'on peut traduire : Il n'y a pas de chemin (pré construit) pour le pèlerin ; le chemin se construit en marchant.
"Nombreuses sont les critiques du travail de R. Girard liées notamment au fait que, quoi qu’il en dise, ses théories s’apparenteraient plutôt à une idéologie, voire à une défense du christianisme, qu’à la science [...] Cependant, quand bien même ces critiques seraient fondées et que les hypothèses de l’auteur ne pourraient se vérifier in fine, serait-ce bien là l’essentiel ? [...] Nous suggérons ici que le plus intéressant est peut-être, moins le terme de la recherche, que ce qui est découvert dans le mouvement qui mène vers ce terme. Autrement dit, l’intérêt de l’œuvre est peut-être moins dans le but que dans le chemin en lui-même.
Puisque nous parlons de chemin, on connaît la métaphore utilisée par Stendhal – écrivain de référence pour notre auteur – de la littérature comme « miroir le long du chemin ». Quant à l’œuvre de R. Girard, elle ferait plutôt penser à une lanterne portée à bout de bras par un pèlerin sur un chemin solitaire dans la nuit : à chaque balancement lié au mouvement de la marche, la lueur vacillante de cette lanterne fait apparaître fugitivement des formes étranges, des figures inquiétantes ou fascinantes, inconnues jusque-là.
Le chemin girardien lui-même est source de découvertes qui peuvent être vertigineuses. Il se peut que l’on ne pénètre véritablement en « Girardie » qu’avec « crainte et tremblement », avec le sentiment d’aller vers le mystère de ces « choses cachées depuis la fondation du monde ». L’œuvre donne ainsi une clef pour une interprétation bouleversante du monde. Mais, de redoutables questions peuvent surgir au détour du chemin : n’eût-il pas été préférable de ne pas savoir ?"
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